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Journal

En proposant cette lecture, nous entamons une réflexion sur le mode d’existence de la forme écrite dans l’informatique et ses conséquences culturelles.

Dans leur article paru en 2005, les chercheurs Yves Jeanneret et Emmanuël Souchier dénoncent l’absence de réflexion sur les supports d’écriture en contexte numérique, et en particulier sur leurs effets politiques et culturels.

On assiste […] à un déplacement des lieux de pouvoir et des prises sur la culture. […] les acteurs traditionnels de la culture tendent à être dépossédés de l’ordre du texte, au bénéfice de ceux qui, pour des raisons de compétence technique ou de puissance économique, sont en position de créer pour les autres les conditions de leur expression.

Yves Jeanneret et Emmanuël Souchier, L’énonciation éditoriale dans les écrits d’écran, 2005

L’écriture est un pouvoir, et c’est (entre autres) de ce pouvoir dont il s’agit ici: un «écrire par-dessus», une super-écriture qui anticipe, et éventuellement balise, ce que les autres peuvent écrire «dedans»; une forme de paternalisme latent, invisibilisé par l’aura de neutralité de ce qu’on désigne par «outil», «une soumission aux principes du logiciel même».

D’où la nécessité – voire l’urgence – d’interroger ces «outils»1: par qui et dans quel but ont-ils été créés? Comment fonctionnent-ils réellement, au niveau de la couche du logiciel? Quels comportements induisent-ils? Qu’autorisent-ils (par leur interface, leurs formats, leurs licences, leurs conditions d’utilisation)?

Les écritures sont numériques et politiques.


  1. Les auteurs parlent d’«architextes» pour désigner les outils de production textuels, qui permettent de scripter l’écran, de programmer les modalités d’accès, de production et de diffusion des textes. (Des mêmes auteurs, voir Pour une poétique des écrits d’écran, 1999.) ↩︎