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Encore dans l’ouvrage collectif Digital_Humanities (2012), les auteurs soulignent le fossé qui s’est creusé entre connaissance pratique et savoir théorique:

Une division a émergé au courant du 20e siècle séparant le savoir humaniste en étude analytique d’une part, et en pratique et application d’autre part. […] En d’autres mots, le processus du «comment» est devenu séparé du contenu du «quoi».

Digital_Humanities, p. 76

Cette distinction qui tend à reléguer les questions formelles au second plan de la démarche intellectuelle – voire à les en exclure complètement – occulte-t-elle justement la part constitutive de la pratique dans la construction du savoir?

Le «comment» requiert une attention au design, au format, au médium, à la matérialité, à la plateforme, à la dissémination, à l’auctorialité ainsi qu’à l’audience, des éléments qui sont chacun pris pour acquis ou présumés implicites, neutres, secondaires, ou même sans importance lorsque les universitaires rendent leurs manuscrits à une presse universitaire. Mais il n’y a rien de neutre, d’objectif ou de nécessaire à propos du format d’un livre, l’espace occupé par une page, le médium papier, ou l’institution d’une presse. En fait, le «quoi» est façonné par le «comment» d’une manière profondément récursive, orientée vers le processus.

Digital_Humanities, p. 76

Le design, encore une fois, n’est pas une technique d’habillage des idées: il constitue plutôt «les moyens par lesquels investir et articuler une idée». C’est une attitude qui accorde une importance cruciale au processus et à la créativité dans tout projet, y compris les plus analytiques (et vice-versa, l’effort intellectuel étant en retour constitutif des processus pratiques).

Le savoir-faire ne devrait-il pas être considéré comme activité génératrice d’idées?