Aller au contenu
Journal

Dans son livre D’où nous viennent nos idées? (2010), l’auteur et professeur Éric Méchoulan souligne la nature fondamentalement immanente des idées:

Qui maîtrise les techniques, qui en autorise les effets, qui en assure la diffusion compte autant que l’auteur de telle ou telle œuvre, dès lors que l’on considère que les significations ne transitent pas d’un cerveau à un autre de façon immatérielle et immédiate.

Éric Méchoulan, 2010, p. 46

À la lumière de cet énoncé, l’auteur d’une publication Facebook ou Twitter serait aussi la plateforme qui en constitue le contexte d’écriture, le support de diffusion, la condition (matérielle) d’existence. L’auteur d’une lettre rédigée dans un logiciel comme Microsoft Word comprendrait l’entreprise informatique elle-même, puisque c’est une manière de mettre au monde les idées qui est dessinée par les informaticiens eux-mêmes.

Toute idée rédigée par le biais d’un logiciel est donc en partie produite par ce même logiciel. Le propos de Méchoulan consiste à réitérer le caractère profondément matériel des idées. La technique, et par extension les technologies, c’est du savoir matérialisé.

C’est un tout nouveau milieu de production des énoncés de vérité qui s’articule ainsi à la construction d’une culture commune (sans qu’on aperçoive aisément son édification), en même temps qu’à la révélation ou à l’effacement de la matérialité de certains supports. On voit donc […] combien il est nécessaire de lier l’élaboration des idées à une construction du public et l’histoire de la vérité à l’invention et à la diffusion des supports.

Éric Méchoulan, 2010, pp. 45-46

Qui sont les nouveaux intellectuels du 21e siècle? Les maîtres du code, des programmes, ces textes cachés qui rythment le quotidien?

Il nous importe d’étudier avec attention – voire de toute urgence – ce «milieu de production» d’une culture commune, menée par une poignée de «dieux machine».