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Journal

Note sur l’absence:

La Rochefoucauld a très bien remarqué que l’absence détruit les passions faibles alors qu’elle accroît les fortes; tout comme le vent mouche une chandelle et attise un incendie. Une longue absence affaiblit naturellement notre idée et diminue la passion; mais lorsque l’affection est assez forte et assez vive pour s’entretenir elle-même, le malaise qui provient de l’absence accroît la passion et lui apporte, avec la force, un impact nouveau.

David Hume, Dissertations sur les passions, section VI, §7

Hume remarque que l’absence peut avoir deux effets opposés, selon l’intensité de la passion: elle peut, avec le passage du temps, effacer une passion modérée, ou accroître une passion intense1.

C’est le deuxième cas qui présente un intérêt particulier: la séparation de deux amoureux apporterait un surcroît d’intensité à la passion, en dépit du «malaise» suscité par l’absence. On imagine que les retrouvailles sont agréables, mais Hume va plus loin: ce malaise apporterait «impact nouveau». Que signifie cette expression? Pour quelles raisons cela se produit-il? Hume ne donne guère d’explications, il ne fait que rapporter ses observations.

On en déduit qu’il y aurait donc un «bon malaise»: le malaise qui, le temps d’une absence, permettrait, grâce au renouement, d’accroître une affection déjà forte.

Il est donc bon pour les amoureux d’être éloignés l’un de l’autre un certain temps (une journée? une semaine? à quelle périodicité?), même si ce moment d’éloignement peut être inconfortable. La passion résultante sera (possiblement) supérieure.


  1. Il y aurait donc un seuil à partir duquel l’absence change d’effet sur les passions fortes et modérées – quel est ce seuil, comment le sait-on, Hume ne le dit pas. ↩︎