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Dès lors qu’une personne s’est éprise d’une grande passion, les petits défauts et les caprices de sa maîtresse, les jalousies et les querelles auxquelles ce commerce donne si fréquemment lieu, ont beau être désagréables et en connexion avec la colère et la haine; on n’en trouve pas moins qu’ils apportent, en de multiples cas, un supplément de force à la passion prédominante.

David Hume, Dissertations sur les passions, section VI, §1

Le mot «commerce»

Le surgissement du mot «commerce» trahit-il une conception économique, voire transactionnelle de l’amour chez Hume? Cela irait dans le sens du discours de Lysias dans le Phèdre de Platon, en phase avec le calcul mathématique auquel Marcello fait allusion.

Le paradoxe

Les défauts de l’aimant·e (ou de l’aimé·e) permettraient à celui-ci de se faire aimer encore plus, puisqu’ils accroîtraient la «passion dominante» (en l’occurrence, la passion amoureuse). Étonnant, puisque Hume suggère que l’association des idées et impressions similaires tend à renforcer celles-ci mutuellement, pas les contraires. Mais ici oui.

Pourquoi?

Préfère-t-on naturellement les choses qui ne soient pas tout à fait lisses et parfaites, donc plutôt dotées d’imperfections accidentelles, de textures aléatoires, de traits organiques et vivants?

Serait-ce plutôt afin de préserver son propre orgueil?

Hypothèse à la lumière des sentiments chez Hume: grâce aux défauts de l’autre, on peut l’aimer sans craindre d’être touché dans son propre orgueil. En compagnie de l’autre, l’aimant·e peut laisser tomber sa garde et agir en toute sérénité, sans craindre de subir des jugements négatifs à l’endroit de ses défauts (le fait d’être apprécié par quelqu’un·e d’autre, et de surcroît d’être vu avec cet·te aimé·e en public sous le regard des autres, contribue également à l’orgueil de soi).

Mais ce serait spéculer ici: Hume constate le paradoxe, il ne l’explique pas.