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Hume insiste: il n’y a fondamentalement que deux sentiments du Moi: l’orgueil et l’humilité. Le premier concerne ce qui est agréable, le deuxième, ce qui est désagréable.

Mais alors, comment expliquer la passion amoureuse, laquelle consiste à se donner (plus ou moins éperdument) quelqu’un d’autre?

Si l’on parcourait toutes les causes qui produisent la passion d’orgueil et celle d’humilité, il apparaîtrait aussitôt que la même circonstance, transférée de nous-mêmes à une autre personne, transformerait cette dernière en objet d’amour ou de haine, d’estime ou de mépris.

David Hume, Dissertations sur les passions, section III, §1

Enfin, le surgissement de l’amour: les passions lorsqu’elles ne renvoient plus au Moi, mais à autrui.

Alors que l’objet immédiat de l’orgueil et de l’humilité est le moi ou cette personne identique, dont notre conscience pénètre intimement les pensées, les actions et les sensations, l’objet de l’amour et de la haine est une autre personne, dont les pensées, les actions et les sensations échappent à cette même conscience. L’expérience le montre avec une évidence suffisante. Nous dirigeons toujours notre amour ou notre haine vers quelque être sensible hors de nous; quand on parle d’amour de soi, ce n’est pas au sens propre; la sensation qu’il engendre n’a d’ailleurs rien de commun avec cette émotion tendre qu’éveille un ami ou une maîtresse. C’est la même chose pour la haine.

David Hume, Traité de la nature humaine, livre II, partie II, section I

L’amour est donc une forme bien particulière de manifestation de l’orgueil: cet orgueil est placé chez l’autre, en tant qu’il suscite un bonheur chez l’aimé (par l’entremise de l’affection), ce qui a pour effet de flatter l’orgueil de l’aimant.

Cette prémisse est extrêmement importante pour appréhender les sentiments de haine, d’envie et de jalousie.