Aller au contenu
Journal

Hume nous parle de la composition de la passion amoureuse, enfin:

La passion amoureuse se compose ordinairement de plaisir pris à la vue de la beauté, d’un appétit charnel et aussi d’amitié ou d’affection. Il est très manifeste qu’une relation étroite existe entre ces sentiments et que, par là, ils s’engendrent les uns les autres. Si nous ne disposions d’autres phénomènes pour confirmer la présente thèse, elle se suffirait, à mon avis, à elle seule.

David Hume, Dissertations sur les passions, section III, §7

Encore une fois, Hume fait la démonstration par raison suffisante. À la manière d’un rasoir d’Ockham, à deux explications satisfaisantes, il privilégie toujours la plus simple et la plus évidente.

(Comme quoi Hume n’est pas tout à fait contre les préceptes du rationalisme, au contraire; il est juste assez pragmatique pour se servir de la raison à juste dose – jamais aux dépens des sentiments.)

Les sensations similaires, par exemple celles qui sont agréables, s’engendrent les unes les autres, par association.

Hume constate que le plaisir de l’affection s’accompagne de celui du toucher, surtout quand il y a beauté (ou nécessairement quand il y a beauté?).

Y a-t-il un ordre de causalité dans ces trois éléments? Beauté d’abord, envie charnelle ensuite, puis affection, ou l’affection cause-t-elle le désir de toucher? Hume ne s’aventure guère dans ces explications, remarquant simplement que la passion amoureuse fonctionne par cette triade principale d’association, de renforcement mutuel. Se câliner permet de démontrer de l’affection, ou simplement de répondre à «l’appel de la peau»1, ou encore de s’approcher de ce qui est beau.

L’absence d’un de ces éléments de la triade amoureuse laisse-t-elle un trou dans la passion? Une passion sans composante charnelle, «platonique», est-elle vouée à l’infériorité sur une relation charnelle? Hume nous invite toujours à écouter nos sens; et le sens du toucher en est un agréable, il participe de la passion amoureuse, on ne saurait le négliger – surtout d’un point de vue philosophique.


  1. Sur cette expression d’appel de la peau, voir Roland Barthes (1977) «“«Quand mon doigt par mégarde…»”» dans Fragments d’un discours amoureux, Paris, Seuil, p. 81. (Merci Julia pour la référence détaillée.) ↩︎