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Il paraît évident que la raison, prise dans un sens exact, c’est-à-dire come jugement du vrai et du faux, ne peut jamais être, par elle-même, un motif de la volonté et qu’elle ne peut exercer son influence sans toucher quelque passion ou affection. Les relations abstraites entre les idées sont objets de curiosité; pas de volition.

David Hume, Dissertations sur les passions, section V, §1

Tout comme pour la beauté, qui est simplement (et inexplicablement) cause de plaisir, la volonté est elle-même directement liée aux passions, hors d’atteinte de la raison. On ne peut pas vouloir vouloir, dit Hume: il faut qu’une quelconque passion nous anime pour vouloir quelque chose. Autrement dit: nous voulons ce que nous aimons, mais nous ne choisissons pas ce que nous aimons; la raison ne nous est d’aucun secours.

À ce propos, Hume devient soudainement plus polémique, suggérant que la «raison» (entendue au sens commun) ne serait qu’une façade dissimulant, finalement, d’autres passions plus modérées:

Ce qu’on appelle communément raison – dans un sens populaire, cete fois –, et que les discours moraux nous recommandent si fort, n’est rien d’autre qu’une passion générale et calme qui embrasse son objet d’un point de vue éloigné et qui met en œuvre la volonté, sans susciter pour autant une émotion sensible.

David Hume, Dissertations sur les passions, section V, §2

Agir de façon modérée (voire «raisonnable») n’est donc pas, selon Hume, la conséquence d’une décision froide et rationnelle: c’est plutôt la manifestation d’une passion sous-jacente, moins apparente mais néanmoins bien réelle.

Toute réaction humaine serait-elle nécessairement passionnelle, soumise aux émotions?