Dans son Post-scriptum sur les sociétés de contrôle (1990), Gilles Deleuze reprend les sociétés disciplinaires théorisées par Michel Foucault, lesquelles procèdent à «l’organisation des grands milieux d’enfermement».
Programme
Il n’y a pas besoin de science-fiction pour concevoir un mécanisme de contrôle qui donne à chaque instant la position d’un élément en milieu ouvert, animal dans une réserve, homme dans une entreprise (collier électronique). Félix Guattari imaginait une ville où chacun pouvait quitter son appartement, sa rue, son quartier, grâce à sa carte électronique (dividuelle) qui faisait lever telle ou telle barrière; mais aussi bien la carte pouvait être recrachée tel jour, ou entre telles heures; ce qui compte n’est pas la barrière, mais l’ordinateur qui repère la position de chacun, licite ou illicite, et opère une modulation universelle.
L’étude socio-technique des mécanismes de contrôle, saisis à leur aurore, devrait être catégorielle et décrire ce qui est déjà en train de s’installer à la place des milieux d’enfermement disciplinaires, dont tout le monde annonce la crise.
(Gilles Deleuze)
Trente ans plus tard, ce discours apparaît d’une cinglante acuité pour traiter du capitalisme de surveillance actuellement à l’œuvre.
Il s’agit de reconnaître «l’installation progressive et dispersée d’un nouveau régime de domination», celui d’un corporatisme totalitaire qui s’érige en double face (public/privé); la mise en place d’une nouvelle autorité, l’état-plateforme.